Il faisait un drôle
de temps ! A vrai dire elle en avait un peu assez, le temps ne
l'ennuyait pas trop mais sans doute elle vieillissait, il lui
semblait avoir mal dans tous les os ! Elle entrouvrit la porte, il
ne faisait pas encore assez clair pour que ça s'agite, juste le
chat, un chat noir, elle savait que ça portait malheur mais comme
elle n'y croyait pas elle le laissa entrer. Elle devait réfléchir,
elle s'assit en tailleur poussant un soupir de satisfaction, ça elle
savait toujours le faire ! "Le grand" avait terminé son ouvrage, il
allait en attaquer un autre et suffisamment loin pour qu'elle puisse
être bien tranquille. D'abord se faire une bonne infusion et du pain
: prendre son temps ! De temps à autre elle jetait un regard aux 3 jarres
qu'elle avait récupéré, enfin sa préférée, disons qu'elle se
l'était appropriée ! Une maison vide, la maladie disait-on, ça
s’attrape ! Elle haussa les épaules : des contes de bonnes femmes.
Hermétique, un vert très pâle. Non d'abord rincer son bol ! De la
patience ! Et puis c'était l'heure où on frappait souvent à sa
porte : des bobos, des chagrins, elle savait guérir !
Ce matin il n'y eut
personne, enfin ce n'était pas tout à fait vrai ! Elle regardait le
chat noir et c'est alors qu'elle vit la petite fille en pleurs. Une
drôle d'enfant qui lui rappelait quelqu'un : peut-être bien elle
quand elle était enfant, peut-être...Il y avait si longtemps !
Pourquoi pleurait-elle, c'est Chatnoir qui lui expliqua : elle avait
une poupée, et l'âne lui avait pris. L'âne songea-t-elle : quel
âne ? Était-ce un vrai âne ? Chatnoir soupira, excédé !
Décidément cette vieille femme ne comprenait rien, il aurait dû
chercher une autre maison ! Et bien l'âne n'existait pas plus que
lui et la fillette, enfin d'une certaine façon un peu plus : en
pierre. Libélune se risqua : "Le grand" ? Oui ! Elle hocha
la tête : dans sa quête d'images taillées...qui avait dit : "Tu
ne feras pas d'image ou quelque chose de ce goût" ! Idiot !
Elle avait déjà vu des ânes, elle se sentait assez proche des
ânes, comme l'âne à la lyre qui était trop bête pour jouer de
l'instrument dont il s'était emparé. Chaque fois ça lui faisait de
la peine, elle était certaine que l'âne n'était pas si stupide que
ça ! Peut-être, elle ne fit plus attention ni à l'enfant, ni au
chat, fouilla dans la jarre, il y avait là un bout de tissu en soie,
précieux, elle le prit et le fil pour les contours, elle était
devenue habile pour dérober les images des tailleurs de pierre. Elle
se drapa dans un châle qu'elle avait trouvé sur la morte
lorsqu'elle était entrée dans la maison et sortit, elle se hâta,
elle ne tenait pas à rencontrer "Le grand" ni d'autres
d'ailleurs. Elle leva les yeux vers le haut du chapiteau - elle avait
fort heureusement toujours de bons yeux - l'âne était là sans la
lyre, "Le grand" allait en faire une tête ! Il s'était
débarrassé de la lyre et tenait la poupée et cette diablesse de
fillette s'accrochait à l'âne, elle avait dû la suivre où
traverser le mur, allez savoir. Elle sourit et fit des voeux pour que
"Le grand" ne s'aperçoive de rien, ainsi, tous trois
resteraient peut-être pour l'éternité. Elle prit son fil et
reproduisit maladroitement : tout comme l'âne qui ne savait pas
jouer de la lyre, elle dessinait de façon toute approximative !