samedi 28 septembre 2013

Sayonara 19

Madame Satô ouvrit la fenêtre, il y avait marché, elle éprouva le besoin de sortir. Elle achèterait des pâtisseries en quantité ! Marie était gourmande et puis elle se doutait qu'elle ne mangeait pas toujours à sa faim. Marie se racontait peu depuis le jour où elle l'avait aidé à porter son sac trop lourd. Elles se voyaient régulièrement, bavardait de tout ou de rien ou plutôt Marie aimait à ce que Madame Satô lui parle du Japon, elle semblait fascinée. Jamais elle n'avait été chez elle, elle travaillait comme secrétaire, peut-être n'était-elle pas bien payée, elle avait pensé à Monsieur Sakô qui pourrait lui trouver un travail mieux rémunéré, elle lui en avait parlé, elle avait confiance en elle, elle savait qu'elle donnerait satisfaction. Mais tout en la remerciant Marie avait refusé, elle gagnait bien sa vie. Mais elle aidait...quelqu'un. Elle n'avait rien ajouté de plus et Madame Satô avait respecté son silence. Aussi lorsqu'elle l'invitait pour le thé, elle préparait ou achetait de trop, et assurait que jamais à moins d'étouffer, elle ne pourrait manger tout ça, fallait-il jeter ces gâteaux délicieux à la poubelle, bien sûr que non ! Et Marie acceptait avec simplicité, Madame Satô espérait seulement qu'elle en profitait et ne donnait pas tout à..."quelqu'un". Elle s'était toujours refusée à imaginer qui était "quelqu'un". On ne cherche pas à entrer dans la vie de Marie ni de quiconque, elle-même était-elle si communicative ! Certes non ! Elle prit son manteau, son porte-monnaies, ouvrit la porte...
"On vient te dire au-revoir". Madame Satô désemparée murmura : "Mais Lilas..." La petite fille baissa la tête, j'ai cru voir chat orange, en réalité c'était bien un chat orange mais tu vois bien plus gros ! J'ai couru et je n'ai pas vu la voiture ! Et...Adrienne m'attendait, c'est elle qui m'accompagne. Elle a demandé : au début il faut s'habituer. Adrienne sourit : "On a appris que vous vous étiez décidée à partir, à retourner dans votre pays, alors on a voulu vous dire au-revoir !"
Madame Satô s'inclina en souriant mais elle avait le coeur serré, elle pensait à la père de Lilas, à son père. Lilas semblait parfaitement heureuse sans aucun état d'âme. Peut-être avait-elle oublié, c'est peut-être comme ça que ça se passait.
Un pas dans l'escalier, Monsieur Sakô ! Jamais il ne venait le matin et un jour de semaine, il allait voir Lilas, Adrienne, elle regarda : elles avaient disparu. Il s'inclina, s'excusa de venir à une heure aussi matinale, il avait peu de temps. Madame Sako venait...de mourir. Un infarctus, enfin c'est ce que l'on disait...il semblait parler pour lui-même évitant le regard de Madame Satô : "Elle aimait déraisonnablement ce jeune homme". Mais il fallait mieux, oui, oublier. Il oublierait.
Madame Satô se mordit les lèvres. Comment lui dire, comment exprimer. Il posa sa main sur la son bras : "Mon amie vous allez m'en vouloir, je ne peux plus rester à Paris, on m'a proposé un poste à New York ! J'ai accepté mais je ne vous abandonnerai pas."  De loin il veillerait sur elle, il y avait ce notaire en qui il avait toute confiance.
Elle balbutia, ouvrit la porte, il s'assit, ils se regardèrent. Elle expliqua qu'elle-même, il était temps. Il hocha la tête : aucun problème, son notaire s'occuperait de Marie et le jeune homme dont il lui avait parlé l'attendrait à Tokyo. Il regarda sa montre, il devait partir. Ils se levèrent, se regardèrent. "Mon Dieu j'allais oublier !" Elle se tourna vers la boîte, elle la tendit, il l'ouvrit, regarda. Longtemps, le coeur de Madame Satô battait. Il s'inclina profondément, sourit : "c'est vous, oui, c'est vous". "Elle" me suivrai partout où j'irai jusqu'au moment...



mardi 24 septembre 2013

Sayonara 18

Réfléchir ! C'était tout réfléchi, elle en avait parlé  avec Marie qui il est vrai ne savait pas tout et avec Monsieur Sakô.
Elle se souvenait, c'était un jour merveilleux, il l'avait amenée voir les roses à Bagatelle : un enchantement. Pour le remercier, elle lui avait confectionné tous les plats de là-bas qu'il aimait tout particulièrement. "Mon épouse, Madame Sakô, a oublié la cuisine japonaise", Madame Satô hochait la tête. "Elle est...très indépendante...aime les voyages".
Oui pensait Madame Satô, et c'est ainsi que j'ai le plaisir de voir Monsieur Sakô, elle n'était pas certaine que Madame Sakô ait été au courant de cette amitié un peu particulière. Madame Satô rougit : bien entendu, innocente mais il lui semblait qu'ils se comprenaient.
Ce jour là - le jour des roses - elle lui annonça que bientôt elle repartirait au Japon avec les cendres :
- J'ai promis à Monsieur Sakô !
- C'est un long voyage, fatiguant.
- Mais vous m'avez dit puisque vous avez la bonté de vous occuper des mes affaires que j'étais ...à l'aise.
- Oui bien sûr et je ferai tout pour que le voyage se passe le mieux possible, on peut maintenant voyager et dormir dans un vrai lit. Arrivée à Tokyo, vous serez certainement dépaysée, je veillerai à ce qu'un de nos employés, je connais un homme jeune, très sympathique, vienne vous chercher et vous accompagne dans toutes vos démarches.
Madame Satô sourit : elle savait qu'elle ne reviendrait pas. Il était convenu que enfin lorsque tout serait fini pour elle, l'appartement reviendrait à Marie ainsi que l'ameublement, Marie l'aimait, elle le savait. Marie et son studio de 25m2 ! Marie qui vivait de peu - il y aurait aussi une rente - mais jamais elle ne lui en parlerait, elle était trop fière.
Toutefois elle désirait offrir un cadeau à Monsieur Sakô, comprendrait-il ? Oui, elle en était certaine. Voyons où se trouvait la boîte ? Dans le placard où il y avait ses plus chers souvenirs, elle ouvrit : la boîte était là, elle la prit, et la mit sur la table, son coeur battait fort ! Lorsqu'elle avait reçu le paquet, elle était seul, Monsieur Satô vivait encore mais elle ne lui avait rien dit. Elle ne pouvait pas ! Cela venait du village de ses grands-parents, son grand-père était mort, Monsieur Satô lui avait appris avec beaucoup de ménagement : oui elle avait ressenti un pincement au coeur, s'était souvenue de la légère caresse sur la joue. Et cette fois-ci, une femme lui écrivait : elle était une amie de sa grand-mère, laquelle lui avait fait promettre qu'à sa mort qui fut douce - elle était si lasse, elle s'est endormie - qu'elle lui enverrait ce paquet, elle ne savait pas ce qu'il qu'il contenait. Sa grand-mère était une femme avare de confidence même avec elle qui la connaissait depuis l'enfance. Elle espérait qu'elle recevrait le paquet, voulait-elle bien le lui faire savoir ! Bien entendu Madame Satô avait remercié sans parler du contenu du paquet mais en envoyant une très jolie boule de neige  avec Tour Effel.
Lorsqu'elle avait ouvert la boîte, il y avait une poupée, les poupées que l'on offre aux petites filles là-bas, et  un photo : une jeune femme qui riait, un bébé dans les bras. Une jeune femme qui, oui, lui ressemblait lorsqu'elle était jeune.
Lorsqu'elle eut tout à fait confiance en monsieur Sakô, elle lui montrai la poupée et la photo. Il promit de faire des recherches.
Un jour il arriva très grave, il s'excusait mais cela avait pris du temps, il n'était pas facile de faire parler les gens, surtout dans ce village si reculé ! "Et bien il n'y a jamais eu de père, votre mère n'a jamais voulu dire à votre grand-mère...Malgré la honte que cela représentait pour vos grands-parents - il faut bien savoir qu'on était à une autre époque - ils ne l'ont pas chassée. Elle a accouché chez eux, mais un jour, vous n'étiez encore qu'une très petite enfant, elle est partie.
Il baissa la tête : "je suis désolé mais je n'ai pas pu la retrouver...cette poupée pour les paysans pauvres qu'étaient vos grands-parents avait dû représenter beaucoup d'argent. Ils avaient essayé de gâter votre mère...Ils n'ont pas eu de chance mais qui sommes nous pour juger".
Madame Satô avait hoché la tête, regardé la poupée, la photo et puis l'avait enfermée dans ce placard.
Elle ne savait pas pourquoi mais cette poupée la représentait un peu, Monsieur Sakô comprendrait.

vendredi 20 septembre 2013

Sayonara 17

Soleil ! Madame Satô dit à nouveau d'une voix haute et claire : soleil ! Puis...suis-je encore en train de rêver ? Elle ouvrit les yeux : non je ne dors pas, je suis chez moi, dans MA chambre. Jamais elle ne fermait les volets, le rideau oui mais pas ce matin. Elle remua doucement, elle se sentait bien, reposée mais tout de même un peu bizarre ! Elle souleva son poignet, regarda l'heure : 10 heures du matin ! Jamais elle ne s'était réveillée aussi tard. Elle regarda autour d'elle : ses vêtements éparpillés, elle qui aimait l'ordre, rangeait soigneusement sur le fauteuil...Sur la table de nuit, un verre - il lui arrivait d'avoir soif la nuit - mais la bouteille à côté : du saké !!! Elle rougit, se pourrait-il...Pourtant elle n'avait pas mal à la tête, jamais elle ne buvait mais c'était arrivé - rarement - à Monsieur Satô et aussi à Monsieur Sakô, ensuite ils avaient mal à la tête.
Réfléchir, elle devait réfléchir. Elle avait rêvé cette nuit, une nuit tout de même agitée. Elle se souvenait d'un lion. Dans son village, non c'était avec son tout nouvel époux qui ne l'était pas encore : le mariage n'avait pas été enregistré, il n'y avait pas eu l'hôtel. Elle avait oublié ce moment comme c'était étrange ! Elle souvenait simplement qu'elle s'était sentie mal à l'aise. Oui bien après le départ, dans la voiture. Du départ, elle se souvenait : elle s'était inclinée profondément et ses grands-parents en avaient fait autant. Sa grand-mère lui avait offert un sac qu'elle avait brodé dans sa jeunesse, elle y avait mis quelques affaires. Il lui semblait que son grand-père lui avait effleuré la joue, était-ce possible ? Elle était montée dans la voiture. Ils avait roulé, roulé et elle avait eu mal au coeur : fatigue ? Émotion ? Elle n'avait pas réussi à déjeuner et il allait être midi et puis la voiture roulait trop vite, elle sourit ! Quant on pensait à la vitesse des voitures actuelles ! Monsieur Satô l'avait regardée, ils avaient pris un petit chemin, il y avait un temple et à côté de quoi se restaurer. Elle s'était sentie mieux. Ils avaient pénétré dans le temple, il y avait une immense broderie : un lion et un bouddha ! Oui elle se souvenait bien mais dans le rêve il s'agissait plutôt d'une jeune femme. Une jeune femme qui lui disait qu'il était temps, qu'elle avait trop tergiversé !
Ça  n'expliquait pas le saké et toutes les gens étranges qu'elle avait rencontrés hier et chat roux MAIS OUI IL ÉTAIT TEMPS, GRAND TEMPS 
Elle se leva, ouvrit le robinet dans la cuisine, s'aspergea le visage d'eau froide, retourna dans la chambre, prit le téléphone, composa le numéro, attentive : ne pas faire un faux numéro ! "Marie, Marie, je ne vous dérange pas, vous vous souvenez de ce que vous m'aviez promis". Elle sourit : Marie se souvenait, elle viendrait cette après-midi pour qu'elles en discutent et mettent bien les choses au point.
Voilà il n'y avait plus qu'à prendre une douche, remettre de l'ordre.
Mais aussi réfléchir.

lundi 16 septembre 2013

Sayonara 16

Tout à coup, Madame Satô se sentit lasse et...perdue. Il n'y avait plus personne : Lilas était partie en sautillant à la suite de sa mère, Adrienne et chat roux disparus ! Les reverrait-elle ?
Peut-être avait-elle rêvé tout cela après tout elle était vieille. Elle devrait rentrer, la rue était en pente, ce serait moins fatiguant mais avant elle aurait voulu s'asseoir dans le square tout près ou à une terrasse de café :  avec son kimono elle aurait l'air ridicule ! Il serait peut-être temps...Que lui arrivait-il, la fatigue ? Un petit moment de dépression.
Peut-être un peu perdue parce que sortie de ses habitudes : le thé avec Marie, une visite de temps à autre de Monsieur Sakô et...la télévision ! Pour Noël, elle se souvenait : c'était un an après la mort de Monsieur Satô, Monsieur Sakô était arrivé tout sourire, un livreur le suivait.
Il lui avait proposé de passer la veille de Noël ensemble, elle avait préparé un repas avec des plats du Japon qu'il aimait et dressé une jolie table. Elle s'attendait bien à un cadeau mais pas aussi important ! Elle s'était inclinée, avait remercié. Il semblait heureux de la voir si contente car elle l'était. Après le petit repas, il lui avait expliqué comment cela fonctionnait, la télécommande - "pas besoin de bouger de votre fauteuil" - ils avaient regardé des vieux films muets, Charlot, elle avait tant ri qu'elle avait dû plusieurs fois mettre sa main devant la bouche !
Et maintenant, quand elle achetait son magazine, elle choisissait presque avec gourmandise les programmes qui lui plairaient.
Oui mais il ne fallait pas regretter ce moment un peu différent, elle entra dans la boutique, elle pourrait acheter un petit souvenir. Elle fit lentement le tour des livres, des bijoux, des kits de broderie, elle se pencha pour regarder de plus près la photo de la couverture d'un livre, sa vue se brouilla légèrement, elle se redressa et c'est alors...qu'elle le vit.
Son grand-père ce n'était pas possible, si ! Exactement dans la position qu'il avait lorsqu'il ramenait un objet lourd, seul son visage semblait modifé,  comme celui, elle chercha dans ses souvenirs, se rappela ce film vu il y avait longtemps avec son époux : il ne voulait pas de télévision mais ils allaient parfois au cinéma. Oui La belle et la bête, elle se souvenait  combien elle avait été déçue lorsque le lion était redevenu homme, elle le trouvait si beau en lion. Bien sûr cela devait paraît ridicule !
Son grand-père, un passé si lointain, elle se souvenait de la dernière conversation avec Marie qui lui avait promis de l'aider, l'avait rassurée : c'était possible. Elle ferma les yeux : oui elle se fatiguait plus vite, si elle voulait honorer sa promesse elle ne pouvait plus reculer.

samedi 14 septembre 2013

Sayonara 15

Un groupe de visiteurs, surtout des femmes d'un certain âge, envahirent la salle avec la guide et son parapluie rouge et jaune. Lilas songea : certainement c'est pour cela que chat roux s'est enfui.
Lilas sentit qu'elle allait pleurer, qu'elle avait peur :
- Maman, maman chat roux s'est sauvé à nouveau !
La maman de Lilas chuchota à l'oreille de Madame Satô :
- Elle aimait tant son chat ! Nous n'avons pas osé lui dire. On l'a retrouvé écrasé..NON ! A peine touché. Mon mari allait à son travail. Il a vu l'accident : spectaculaire m'a-t-il raconté. Personne n'a rien compris. C'était jour de marché, la fiat 500 avançait doucement, elle s'est retrouvée les 4 roues en l'air. La conductrice tenait toujours le volant, chaussée de ses lunettes. La voiture a percuté chat roux. Personne n'a fait attention au pauvre animal. Mon mari est revenu sur ses pas - il avait avec lui son sac de sport, il y a glissé le chat. Nous avons un petit jardin, nous l'y avons enterré. Un jour, nous lui dirons. Lilas en rentrant de l'école a appelé chat roux. J'ai expliqué que certainement il avait été vagabonder, un chat vagabonde ! Tout le monde sait ça. Il allait revenir. Au début elle l'appelait, en parlait beaucoup puis de moins en moins.
Quelle journée étrange ! Je n'étais pas venue au musée de Cluny depuis des années. Brusquement il m'a semblé que c'était nécessaire, j'ai pensé : cela plaira à Lilas, elle aime les belles choses.
Et je retrouve mon institutrice ! Je suis une femme heureuse mais j'ai eu une enfance difficile, cela m'a ému...les souvenirs. Et chat roux réapparaît.
Madame Satô comprenait mais il y a bien des choses étranges....on ne comprend pas tout ! La jeune femme était vraiment troublée, Madame Satô lui demanda si elle pouvait la prendre par le bras - "j'ai toujours un peu peur lorsque je descends des escaliers" - la mère de Lilas se détendit, absorbée par sa tâche. Madame Satô murmura : "voyez-vous les enfants ont tant d'imagination ! Elle a certainement été impressionnée par les tapisseries de La dame à la Licorne, elle a rêvé, tout s'est confondu : les lapins, la licorne...chat roux, heureuse de retrouver son petit compagnon à 4 pattes.
La mère de Lilas hocha la tête :
- Oui vous avez raison.
Elle regarda sa montre au poignet :
- Oh ! Mon Dieu, j'ai invité une amie avec une camarade d'école de Lilas, je vais être en retard.
Elle commença à courir, confuse, elle se retourna, rougissante :
Madame Satô la regarda sortir, Lilas était dans la cour, elle regardait une libellule rouge...Elle haussa les épaules : ou un papillon, ou un rouge-gorge ou...

jeudi 12 septembre 2013

Sayonara 14

"Linette ! C'est bien vous : bien sûr vous avez grandi mais c'est bien vous, ma petite élève si sage, est-ce là votre fille ?"
Madame Satô, confortablement assise, regardait l'enfant qui serrait contre elle chat roux. La maman de Lilas était une jolie jeune et élégante jeune femme qui se tenait presque rougissante devant Adrienne redevenue visible à ce qu'il semblait. Quant à elle, elle ne voyait toujours pas chat roux, la vie était décidément bien étrange mais elle n'en avait jamais douté ! Adrienne radieuse, mutine même se tourna vers Madame Satô : "Elle a été ma petite élève ! Vous vous rendez compte, la retrouver ici, un vrai miracle. Madame Satô songea qu'on n'en était pas à un miracle ou une bizarrerie près ! Quelque part Adrienne - si elle avait une famille - était pleurée. Il y avait eu une cérémonie funéraire, un enterrement ou une crémation quant à elle, elle était résolument pour les crémations mais c'était là une autre histoire...Mais ce qui comptait à l'instant présent : c'était qu'elle était là. Pourrait-elle raconter cela à Marie lors de leur prochain thé ? Elle n'en était pas certaine. Même si elle avait été une épouse fidèle et respectueuse, elle ne racontait pas tout à son époux ni à son vieil ami Monsieur Katô. Cela ne servait à rien, les gens n'étaient pas prêts à entendre. Jamais elle n'avait parlé à ses grands-parents de l'esprit qui habitait l'arbre. Adrienne lui effleura l'épaule. Elle sursauta :
- Excusez-moi je rêvassais !
- Cette jeune femme a été ma meilleure élève
Elle baissa la voix :
- Une enfant placée. Je craignais qu'elle ne puisse s'en sortir mais à la voir, comme je me réjouis !
Madame Satô hocha la tête.
La maman de Lilas n'avait pas encore parlé, que dire de la chèvre, de son enclos mais il fallait parler, dire quelque chose oui !
- Vous souvenez-vous ? Vous m'aviez promis une pomme de votre jardin, une pomme bien rouge qui me faisait fort envie.
Adrienne rit. Madame Satô sursauta : qui aurait pu penser qu'Adrienne était capable de rire.
- Oui je t'avais...pardon j'oublie que vous êtes une grande personne ! Je vous avais oublié mais finalement vous l'avez eu votre pomme, je vous ai vu partir toute fière !
- Oui je marchais lentement, la croquant lentement pour faire durer le plaisir. Je me suis faite gronder, j'étais en retard mais je m'en moquais bien !
Lilas poussa un petit cri, chat roux l'avait griffé et s'était enfui, elle voulu partir à sa suite. Madame Satô se leva, la retint par la ceinture :
- Chut ! Laisse-le aller ! Tu le reverras, il a seulement fait comme la chèvre qui a sauté hors de son enclos !


lundi 9 septembre 2013

Soyonara 13

La petite Lilas qui avait été si sage jusqu'à maintenant lâcha la main de sa mère, et grimpa les marches quatre à quatre, enfin...pas tout à fait ! Elle était encore petite mais ça n'est pas pour rien que son père l'appelait : Vif argent ! Sa mère voulut l'appeler puis secoua la tête : ça ne servirait à rien : lorsque Lilas lui faussait compagnie, il ne servait à rien d'essayer de la ramener à la raison. C'était une petite fille plutôt raisonnable mais elle avait ses moments de foucades ! Il ne lui était jamais rien arrivé. Dans la salle des tapisseries, elle ferait attention, elle aimait les belles choses. Certainement elle avait senti qu'il y avait là-bas quelque chose d'important pour elle, c'était à respecter.
Lilas avait une mère compréhensive, lorsqu'elle arriverait dans la salle elle ne s'occuperait pas d'elle, d'ailleurs il lui semblait que là-bas, elle aussi avait un rendez-vous même si elle ne savait pas bien lequel, ce matin en habillant Lilas, et en lui disant : nous allons aller voir de belles tapisseries, elle avait agi sous une impulsion.
Lilas entra effectivement silencieusement dans la salle et resta bouche bée. Madame Satô, un peu lasse envisageait de s'asseoir pour contempler tout à loisir cette ravissante tapisserie différente de celles de son pays. Justement. C'est alors qu'elle huma un parfum de lilas, elle avait ce don depuis tout enfant : si quelque portait un nom de fleurs, elle sentait l'arôme avant même de voir la personne. Elle vit Lilas, bouche ouverte, regardant -oui certainement toi aussi tu dois regarder les lapins mais aussi la licorne bien sûr - mais il y avait autre chose : l'enfant courut à pas léger, se pencha, murmura : "Tu es là, je savais que tu n'étais pas perdu pour toujours", madame Satô ne voyait pas chat roux (c'était certainement chat roux) mais entendait le ronronnement, elle regarda dans la direction d'Adrienne, étrange ! elle semblait s'estomper. Non bien sûr elle aussi reviendrait.
La maman de Lilas entra : "Maman chat roux  est revenu et il rit, tu sais comme le chat d'Alice". La maman sourit sans répondre, elle était habituée aux fantaisies de sa fille, il est vrai que "chat roux" avait disparu et que l'enfant en avait eu beaucoup de peine. Elle regarde la vieille dame japonaise, charmante, toute  petite, elle lui sourit, Madame Satô s'inclina. Il était si rare de se retrouver dans cette salle quasi déserte, quel plaisir.
Elle regarda la licorne, il n'y avait plus d'enclos, c'était comment dire, qu'est-ce que cela lui rappelait, un souvenir de petite fille, il y avait déjà longtemps même si la mère de Lilas n'était pas bien vieille, elle disait à son institutrice : "je voudrais que la petite chèvre saute l'enclos", sa maîtresse avait répondu...mais qu'avait-elle bien répondu, elle voulait se souvenir, son coeur battait...

vendredi 6 septembre 2013

Sayonara 12



C’était jour de marché, certainement elle ne ferait aucune course aujourd’hui, chat roux semblait avoir disparu, il ne devait pas être bien loin. Peut-être après tout…oui elle devait saluer son vieil ami qui tenait un étal de bijouterie ! Bijoux de pacotille, elle n'en portait pas, non ce qu’elle aimait c’était en acheter – surtout des pierres de toutes les couleurs – ensuite elle les mettait dans un coffret, elle en avait de toutes tailles, de tout bois, pas de plastique non jamais. Certains avec des clés minuscules et même des cadenas qu’il aurait été bien facile de forcer !
Elle s’avança dans l’allée centrale, il était là, hirsute, il ressemblait à un bon vieux chien tout gris, ils se parlaient peu, se souriaient, il ne vendait pas beaucoup, un jolie broche, des pierres violettes, il murmura « ancienne », elle hocha la tête. Elle n’y croyait pas mais faisait semblant, elle sortit l’argent de son porte-monnaies, compta les pièces, enfouit la broche entourée du papier de soie traditionnel, remercia, salua. Un grand cri ! Tiens chat roux lui non plus n’avait pas résisté, et le poissonnier lui courait après, il tournait au coin de la place, là où se trouvait la terrasse où elle avait vu Adrienne et Augustin.
Elle partit à petits pas, il l’attendait, caché derrière une poubelle, tu es un coquin toi ! Il fila droit devant elle, enfin filé, pour un chat de son espèce on aurait pu dire qu’il marchait à pattes comptées ! La rue des Carmes montait fort, elle prit appui sur la rambarde, il continuait, puis s’arrêta devant l’hôtel, le seul hôtel de cette rue, pourquoi elle ne le savait pas ! Allait-elle oser entrer ? Elle se décida, Adrienne l’attendait, debout bien droite, le chignon lissé, le sac en bandoulière, une toilette un peu vieillotte, elle ne devait pas avoir quarante ans ! Elle sourit, lui mit très légèrement la main sur l’épaule et la fit pivoter vers la sortie, murmurant :
- le réceptionniste adorable et aussi une réceptionniste  délicieuse, je suis gâtée !
                Madame Satô murmura :
-Ils savent que….
-Non bien sûr !
Le trottoir n’était pas bien large, il était difficile de s’y tenir à deux, chat roux semblait musarder, s’arrêtait lorsqu’il les distanciait un peu trop ! Madame Satô était à vrai dire un peu éberluée. Certes ! Elle avait été témoin de l’accident, de comment dire…la mort d’Adrienne et de : pouvait-on parler de résurrection, cela paraissait excessif ! Certainement il s’agissait d’un fantôme, elle était persuadée de leur existence, Adrienne en était une et le monsieur qui était avec elle, elle en avait la certitude sans savoir d’où ça lui venait en était un aussi. Elle se demanda si Monsieur Satô était devenu un fantôme, en tout cas il ne lui avait jamais rendu visite, peut-être par discrétion ou bien il s’était réincarné…en papillon ! Un rire lui échappa. Adrienne sursauta, Madame Satô, confuse, mit la main devant sa bouche, elle ne pouvait tout de même pas faire part de telles pensées à Adrienne, elles se connaissaient à peine, c’était trop intime. La montée avait été rude, elle lui proposa de s’arrêter  à la terrasse de cette boulangerie, il suffisait de descendre quelques marches ! Elle acquiesça, elles commandèrent un café pour Adrienne, et un thé vert et un croissant aux amandes pour Madame Satô  gourmande comme une chatte. A propos de chat, chat roux ronronna doucement, elle lui offrit quelques miettes ! Elle regardait Adrienne : c’était tout de même curieux qu’un fantôme puisse se conduire exactement comme une personne normale, aller à l’hôtel, boire un café. Et puis enfin pourquoi Chat roux ? Pourquoi ce désir de rencontre même si ça lui était assez agréable, ça rompait la monotonie de oui il fallait bien le dire de la vieillesse. Depuis quelque temps elle ruminait un projet, elle n’en avait pas encore parlé à Marie, il lui faudrait pourtant son aide. Adrienne regardait les pigeons, tranquille, toujours bien droite. Madame Satô remarqua la légère estafilade, Adrienne croisant son regard : « Oui, l’accident, Ils n’ont pas réussi à tout enlever ». Elle paya,  elles remontèrent la rue des Écoles, chat roux semblait leur avoir faussé compagnie.
Cluny, le musée Cluny ! Monsieur Katô lui avait proposé un jour d’aller le visiter, elle avait refusé, elle n’aimait pas les musées, elle ne savait pas pourquoi ! Et pourtant elles pénétrèrent dans la cour, Adrienne paya les billets, elles montèrent, chat roux les précédait mais on ne semblait pas le remarquer. Elles arrivèrent dans la pièce, il n’y avait personne, c’était miraculeux. Elle joignit les mains ! Elle vit les lapins et le papillon qui s’évada de la tapisserie. Mon dieu comme c’était beau, elle rougit de honte, comment avait-elle pu être aussi indifférente, aussi…elle s’inclina et s’adressant à Adrienne : « Je vous remercie ».

lundi 2 septembre 2013

Sayonara 11

Madame Satô ferma les deux verrous. Elle avait toujours été négligente, il lui arrivait d'aller faire ses courses en oubliant de fermer la porte à clé, pire ! De la laisser à l'extérieur. Monsieur Katô l'avait grondée. Un dimanche il était arrivé avec une boîte à outils, elle avait retenu un sourire : Monsieur Katô, grand patron, posant deux verrous ! Mais elle avait promis ! Sa porte serait toujours fermée !
Elle prit les deux bols sur la table, les lava, les essuya soigneusement, elle aimait Marie si attentive mais elle se sentait un peu lasse, elle avait peut-être trop parlé, remué des souvenirs. Ou...peut-être avait-elle faim, elle se réchauffa des pâtes au micro-ondes ! Comme c'était pratique, Madame Satô n'avait rien contre le progrès!
Elle se dévêtit, se brossa les dents, Monsieur Satô disait que ses dents ressemblaient à des perles et aussi incroyable que cela puisse paraître, c'était bien là ses dents d'origine ! Puis elle se mit au lit. Oui Adrienne était morte mais c'était bien elle qu'elle avait vue ! Après tout lorsque, jeune fille, elle parlait à son arbre, il y avait bien un esprit qui la consolait ! Je suis un peu énervée, je ne vais jamais m'endormir...elle s'endormit d'un coup !
Lorsqu'elle ouvrit les yeux le jour se levait, elle voyait de son lit un coin de ciel bleu et un arbre, un grand bonheur pour elle, un jour il y avait même eu un nid ! Mais quelque chose pesait, elle baissa les yeux, sur le lit, il y avait un chat orange. Comment avait-il pu s'introduire ? Elle haussa les épaules : à quoi bon se poser des questions. Elle avança la main, le caressa, il n'eut pas de comportement inamical mais ne ronronna pas, il la regarda, et il était rare elle le savait qu'un chat vous fixe.
"Que me veux-tu ?"
Il sauta du lit, se dirigea vers la porte.
"Tu veux partir ?"
Elle ouvrir la porte, il s'assit.
"Tu veux que nous sortions tous les deux ?"
Il miaula ! Certainement cela voulait dire oui.
"Et bien tu devras attendre un peu".
Elle n'avait jamais dérogé à ses habitudes, et ce n'est pas chat orange qui la perturberait ! Madame Satô avait toujours été légèrement têtue. Elle sortit de son lit, prit sa douche, refit le lit, et déjeuna comme à l'habitude de deux petits pains avec un bol de thé vert. Chat roux accepta un petit morceau de fromage.
Et bien maintenant, nous pouvons y aller. Nous avons de la chance, il fait beau. Elle prit son parapluie, la promenade serait peut-être un peu longue ! Il ne pleuvrait sans doute pas mais elle était coquette et dédaignait les cannes. Cette fois-ci lorsqu'elle ouvrir la porte, chat roux passa devant lui, mais il prit bien garde de ne pas aller trop vite. Madame Satô fort heureusement n'avait point de problèmes de rhumatisme mais tout de même ce n'était plus une jeunesse !