jeudi 3 octobre 2013

Sayonara Madame Satô 20

Marie avait agité une dernière fois la main en signe d'au-revoir, elle ne se décidait pas à quitter l'aéroport et bien sûr elle ne pouvait pas voir le lapin blanc qui l'accompagnait, elle n'était pas assez enfant. Elle sourit. Elle aimait Madame Satô, les histoires qu'elle racontait, le thé, les bols.
Il était étrange que Marie soit si solitaire, sa seule amie était Madame Satô et la voilà qui partait si loin, probablement elle ne la reverrait jamais.
Cela faisait 10 ans qu'elle s'était installée à Paris. A cette époque elle voulait quitter le village où elle avait vécu avec ses parents et tous deux étaient morts dans un accident de voiture. Pas de chance ! Elle ne les aimait pas beaucoup, eux non plus. Tous deux travaillaient, sa mère comme secrétaire, son père comme menuisier dans une fabrique de meubles et de jouets. Elle, elle avait un emploi à la mairie. Une vie un peu morne, comme distraction : la télévision le soir. Quelques amourettes qui n'avaient pas abouti, à vrai dire elle n'enviait guère ses copines de classe et leurs ribambelles d'enfants. Peut-être parce qu'elle était enfant unique.
Mais  à la mort de ses parents, l'idée de rester au village, non ! Elle répondit à une annonce : un emploi de secrétaire, elle l'avait obtenu sans difficultés, elle avait de bonne référence. Elle avait aménagé dans un studio de 25m2, c'est tout ce qu'elle pouvait se permettre comme loyer, le salaire n'était pas mirobolant.
Elle l'avait meublé sommairement, au fond une caravane sur cales !
Quelques collègues l'avaient invitée, elle avait décliné sous des prétextes divers. Elle n'en avait tout simplement pas envie.
Tout de même elle s'ennuyait un peu jusqu'au jour ou par hasard, elle remarqua dans une boutique des puzzles, il y en avait un qui représentait une rivière et une chute d'eau. "Si vous n'en avez jamais fait, je vous conseillerais quelque chose de plus facile, vous allez vous décourager". Elle hocha la tête, remercia du conseil et l'acheta. Il lui arrivait d'être têtue !
Elle rentra, c'était un samedi, elle n'avait qu'une petite table : pas très pratique. Il lui faudrait des tréteaux et une planche. Elle repris son manteau, son sac, il y avait un magasin pas très loin. Elle trouva ce qui lui convenait mais bien entendu impossible de prendre ça sous son bras, on lui proposa de lui livrer dans la semaine, non elle le voulait tout de suite. Elle demanda à ce qu'on lui appelle un taxi assez faste pour prendre le tout. Cela coûta cher mais elle était contente, le chauffeur lui monta le tout. Elle lui donna un pourboire généreux, c'était un homme jovial qui aurait bien fait un brin de causette mais elle avait hâte de se retrouver avec son puzzle.
Elle installé l'image bien à plat, sortit les pièces.  Elle s'était aussi acheté une bonne lampe ! Il n'était pas midi, elle avançait lentement et ce n'est que vers 4 heures qu'elle s'aperçut qu'elle avait faim. Elle descendit à la boulangerie s'acheter un brioche, se fit un chocolat puis repris le puzzle. Maintenant elle avait hâte de rentrer du travail, il lui fallut bien des jours pour les terminer. Ensuite elle le remit dans la boîte, elle en acheta d'autres mais cela devenait trop facile.
Elle réfléchit, elle était douée pour le dessin, elle acheta des grandes feuilles de papier canson et des crayons de couleurs et se mit à composer d'étranges dessins, qu'elle découpait ensuite soigneusement puis reconstituait. C'était devenue une drogue. Et seule la compagnie de Madame Satô l'en distrayait, curieusement elle ne lui en avait jamais parlé. Marie parlait peu.
Il fallait se décider à partir, elle rentra à pas lent, décidément Madame Satô lui manquerait. Machinalement elle regarda sa boîte aux lettres, un dimanche ça n'avait pas de sens. Mais il y avait bien une enveloppe. Elle ouvrit : une enveloppe blanche épaisse, du vélin, à son nom et sans timbre. Elle monta rapidement, glissa un coupe papier pour l'ouvrir. Elle lu debout : ce n'était pas possible. Elle s'assit, et brusquement pleura, longtemps, elle finit par se calmer, but un verre d'eau.
Elle regarda le pavillon, habiter là où elle avait vécu de si bons moments, et puis elle aurait beaucoup d'espace pour réaliser ses puzzles, en avait pensé à du bois léger, peut-être pourrait-elle même les vendre. En tout cas le premier, elle l'enverrait à Madame Satô, et elle lui expliquerait.
Non elle n'était pas venue pour rien à Paris. Oui sa vie valait la peine d'être vécue ! Elle rit. Mon Dieu depuis quand n'avait-elle pas ri comme cela, spontanément.
Merci Madame Satô, bien sûr elle ne pouvait pas l'entendre et qui sait...

6 commentaires:

  1. Enfin un épisode avec de bonnes surprises... merci ! Il m'est arrivé d'oublier l'heure avec des puzzles relativement difficiles, je comprends tout à fait ! Et puis, un pavillon : alléluia !

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    1. Je confesse n'avoir jamais fait aucun puzzle de ma vie mais avoir toujours été fascinée, tout comme j'étais fascinée par les broderies sans avoir jamais touché à un fil et une aiguille !
      Et quand je pense à ce que j'avais songé comme histoire pour Marie ! Heureuse que cela ait donné de la joie !

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  2. "Ta petite Marie est jolie comme un coeur et chat noir est "aux premières loges" !... Le lapin est vraiment un gros et grand lapin, même si elle ne le voit pas !" Liliane

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    1. Oui je l'aime cette petite Marie, quant aux lapins, hier dans le champ des oliviers deux petits lapins s'amusaient, ça m'a peut-être donné des idées !!!

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  3. Suis allée jeter un premier coup d'oeil sur Sayonara 20, y ai découvert deux nouvelles jolies broderies ai lu le texte, ai bcp aimé le "elle ne vit pas le lapin car elle n'a pas l'âme assez enfantine", sinon ce sont encore et toujours les descriptions des petits gestes anodins quotidiens qui me plaisent le plus) ai lu trop vite le reste du texte, ou ai manqué une étape, je suppose, car j'y découvre à présent une Mme Sako qui meurt, tandis que Mme Sato, elle demeure bien vivante

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    1. Donc à suivre...Mais Madame Sako était une horrible pimbêche !

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